Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/58

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lins qui avaient toujours souri quand on parlait du veuf inconsolable.

Hugues, par on ne sait quel fluide qui se dégage d’une foule quand elle s’unifie en une pensée collective, eut l’impression à ce moment d’une faute vis-à-vis de lui-même, d’une noblesse parjurée, d’une première fêlure au vase de son culte conjugal par où sa douleur, bien entretenue jusqu’ici, s’égoutterait toute.

Cependant l’orchestre venait d’entamer l’ouverture de l’œuvre qu’on allait représenter. Il avait lu, sur le programme de son voisin, le titre en gros caractère : Robert le Diable, un de ces opéras de vieille mode dont se compose presque infailliblement le spectacle en province. Les violons déroulaient maintenant les premières mesures.

Hugues se sentit plus troublé encore. Depuis la mort de sa femme, il n’avait entendu aucune musique. Il avait peur du chant des instruments. Même un accordéon dans les rues, avec son petit