Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/66

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Elle répondit sans avoir l’air surprise et comme s’attendant à la rencontre, d’une voix qui bouleversa Hugues jusqu’à l’âme. La voix aussi ! La voix de l’autre, toute semblable et réentendue, une voix de la même couleur, une voix orfévrée de même. Le démon de l’Analogie se jouait de lui ! Ou bien y a-t-il une secrète harmonie dans les visages et faut-il qu’à tels yeux, à telle chevelure corresponde une voix appariée ?

Pourquoi n’aurait-elle pas également la parole de la morte puisqu’elle avait ses prunelles dilatées et noires dans de la nacre, ses cheveux d’or rare et d’un alliage qui semblait introuvable ? En la voyant maintenant de plus près, de tout près, nulle différence ne s’avérait entre la femme ancienne et la nouvelle. Hugues en demeurait confondu et que celle-ci, malgré les poudres, le fard, la rampe qui brûle, eût le même teint naturel de pulpe intacte. Et, dans l’allure aussi, rien du genre désinvolte des danseuses :