Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/105

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J’aurais été prier le dimanche à l’église
Avec ma jeune femme et mes jeunes enfants,
Et sur mon seuil, l’été, dans les soirs étouffants,
J’aurais béni le chaud soleil qui fertilise.

Comme un simple fermier au corps souple et nerveux
J’aurais fait chaque jour ma tâche coutumière,
Et, vieux, je serais mort calme dans ma chaumière
Ayant le cœur tout blanc ainsi que mes cheveux !

Mais tandis que je rêve et tandis que je pleure,
La nuit tombe, et je rentre à pas lents vers la mer,
En longeant les buissons qui semblent se pâmer
Aux caresses du vent fougueux qui les effleure.

Je regagne la digue et je m’en vais m’asseoir
Au milieu d’un charmant groupe de jeunes filles,
Car c’est un coin connu de tous, où les familles
Viennent pour écouter le concert chaque soir.

Faiblesse ! inconséquence ! et c’est ainsi sans cesse !
Je ne veux pas changer, je change tous les jours ;
Je me lasse du monde, et j’y reviens toujours
Car j’ai besoin de bruit pour tuer ma tristesse !…