Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/132

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Nous ne serions plus rien qu’une ombre insaisissable,
Que ce « roseau pensant » dont Pascal a pitié,
Rien qu’un peu de poussière et rien qu’un peu de sable
Que Dieu soulèverait un instant sous son pied ;

Infiniment petits dans l’immense rouage,
Nos efforts seraient nuls et nos cris superflus ;
Les astres vainement poursuivraient leur voyage :
Dieu les verrait à peine, et ne nous verrait plus !…


II


Mais tandis que je songe ainsi, loin de la foule,
Au néant de la vie, au calme du tombeau,
Et que le désespoir autour de moi s’enroule
Comme un crêpe de deuil à l’entour d’un drapeau,

Je découvre soudain une étoile de flamme
Qui file dans le ciel par un rapide essor,
Et je me dis alors que c’est peut-être une âme
Qui va d’un astre à l’autre en creusant ce trait d’or !…