Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/133

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Je crois voir au travers de la mort transparente
Des horizons de vie et de bonheur sans fin ;
Je rêve que j’irai comme cette âme errante
Renaître infiniment dans chaque astre divin.

Oh ! le songe étoilé de la métempsycose
Qui dans l’ombre éclairait Pythagore et Platon ;
Oh ! le songe qui veut que tout se recompose
Et que les lis ne soient qu’un produit du chardon.

Ainsi je partirais avec le vent qui passe,
Et plus je serais bon, doux, indulgent, soumis,
Plus je m’en irais haut au travers de l’espace
Pour jouir de l’amour dans le repos promis.

Par une affinité délicate et suprême,
Je me retrouverais, dans ces nouveaux séjours,
Avec tous ceux qui m’ont aimé, tous ceux que j’aime,
Ceux dont rêvaient mes nuits, ceux qui charmaient mes jours.

Tandis que languiraient dans les astres infimes
Ceux-là qui m’ont jeté l’ironie ou l’affront,
Impuissants à souffler du fond de ces abîmes
Sur les rayons de gloire auréolant mon front !