Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/72

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Les grands parasols que le flot reflète
Paraissent de loin des nénuphars blancs,
Et le canal semble avoir fait toilette
Avec son collier de roseaux tremblants.

Les rameurs, assis au bord des banquettes,
Attendent, muets, l’instant solennel ;
Ils ont des maillots aux couleurs coquettes,
Des maillots rayés comme un arc-en-ciel.

Les rames, dans l’eau taillée à facettes,
Font des plis charmants où luit le soleil ;
Ainsi le sourire ouvre des fossettes
Sur la joue en fleur d’un enfant vermeil.

Soudain le moment de la course arrive :
Les gigs sont partis comme un vol d’oiseaux ;
La foule se penche au bord de la rive ;
On les voit venir en coupant les eaux.

On leur bat des mains, on appelle, on crie…
Traînard est premier !… non, c’est Vol-au-vent !…
Ils passent alors comme une féerie,
Troublant la blancheur du canal mouvant.