Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/27

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C’est la loi de raison que les enfants survivent,
Et qu’aussi les parents, s’ils sont devenus vieux,
Résignés, fassent place à d’autres qui les suivent
Et qui prendront leur âme en leur fermant les yeux !

Mais ces morts de vingt ans qu’on couche sous les pierres
Vous détachent souvent bien des âmes, Seigneur !
On ne voit plus le ciel, des pleurs dans les paupières ;
On ne croit plus à Dieu quand on vit sans bonheur !…


IV



Seigneur ! que vous importe !…il faut que l’homme souffre
Et se trempe le cœur à se désespérer ;
Car si lugubre et si profond que soit le gouffre
Votre impassible front vient encor s’y mirer !…

Vous semblez accomplir plus d’un sombre mystère
En dépeuplant ainsi nos cœurs et nos maisons ;
Mais il vaut mieux plier les genoux et se taire
Et surmonter de croix les tertres des gazons.