Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Voyant les cœurs si faux et les âmes si viles,
On voudrait, ― fuyant pour jamais,
Loin des clameurs, loin des trahisons, loin des villes, ―
Vivre à voir les oiseaux passer, sur les sommets !…

On voudrait la siffler, la comédie humaine,
Et brusquement s’en retirer,
Voyant que chacun porte un masque, et se démène
Pour vivre, sans songer que vivre c’est pleurer !…

On voudrait se coucher, l’été, lorsque tout brille,
Dans un calme petit caveau,
Où les parents viendraient remplacer sur la grille
Les vieux bouquets par un bouquet nouveau !…

On voudrait soudain déployer sa tunique
Au vent, dans les lointains rougis ;
Et chevaucher avec le Géant satanique
Pour vivre ― nouveau Faust ― sa nuit de Walpurgis !…

Et se gorger de vins, et se gorger de viandes,
Sous la clarté des torses nus
Qui s’entremêleraient, ainsi que des guirlandes,
Pour vous faire mourir en spasmes inconnus.