Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


On songe au calme exquis du foyer, à sa mère
Blanche dans un grand fauteuil noir ;
Au temps où l’on n’avait pas vu fuir la chimère
Comme une lampe errante aux vitres d’un manoir,

Quand on venait le soir lire et causer près d’elle,
Et tendre son front à sa main
Pour qu’elle s’y posât avec un doux bruit d’aile,
Et vous fit retrouver l’espoir du lendemain !…

On reprend peu à peu les lointaines années
Dont on se souvient à moitié ;
Et l’on cherche un parfum à ces roses fanées
Qu’on aurait dû jeter loin de soi sans pitié !…

O les rêves d’amour ! ô les rêves de gloire !
Débris qu’apporte le reflux ;
Tu te tais à jamais, double clavier d’ivoire,
Quand la jeunesse aux doigts légers n’y touche plus !…

Puis on a tout à coup des soubresauts farouches,
Et l’on est pris d’un tel ennui
Qu’on voudrait que la Mort glaçât toutes les bouches
Et fermât tous les yeux dans une immense nuit.