Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/54

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Son musée est pour lui comme une humble chapelle
Où, parmi les rayons du soleil d’or couchant,
Cette vierge lui jette un long regard touchant,
Lorsque dans son fauteuil il l’invoque et la pleure !…

Sitôt que l’orphelin entra dans sa demeure
Il le prit par la main, lui montra son salon
Et lui fit voir aussi le petit médaillon.
« Prenez garde, dit-il, car vous êtes à l’âge
« Où l’on joue, où l’on est maladroit et volage.
« Ne cassez jamais rien, surtout ce portrait-là,
« Car c’est ma fiancée, et je tiens à cela.
« Voyez ! comme elle est belle au fond de la verdure !… »

Et la voix du vieil oncle était sévère et dure
En parlant au petit qui tremblait devant lui.
Il l’aimait bien pourtant, mais c’était un ennui
Pour lui qui vécut seul comme dans une tombe
D’entendre y frissonner, fût-ce un vol de colombe.
Son cœur longtemps fermé ne pouvait se rouvrir,
Et même à son aspect il paraissait souffrir,
Comme si cet enfant lui rendait la pensée
Que, s’il n’avait pas vu mourir sa fiancée,
Il aurait pu bénir et caresser les siens.