Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Pour réchauffer son cœur à ses anciens
Il aimait mieux sa morne et tranquille atmosphère !…
Puis quelle surveillance active il faudrait faire !
Car l’enfant pourrait bien, — ils sont tous curieux, —
Voir de près le petit portrait mystérieux,
Et, le prenant en main, le casser par mégarde !…

Aussi l’orphelin craint son oncle, et le regarde
D’un air timide ; il a très peur de déranger ;
Il parle à peine ; à table il n’ose pas manger ;
Il sort très rarement : quelquefois les dimanches,
Quand la belle saison a reverdi les branches,
Ils quittent, à pas lents, sans causer, le faubourg
Pour s’en aller s’asseoir une heure au Luxembourg.
Mais l’enfant n’ose pas y jouer ; lorsque passe
En cols blancs, les cheveux dénoués dans l’espace,
Un groupe de gamins, plus vifs que des oiseaux,
Qui poussent devant eux de flexibles cerceaux
Ou bouclent des harnais aux clochettes de cuivre,
Il se sent tout à coup le désir de les suivre ;
Mais à quoi bon les suivre ?… il ne sait pas jouer !…

Le vieillard songe à voir les nuages nouer
Leurs écharpes de blanche et souple mousseline ;