Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/56

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Et l’enfant veut en vain d’une voix très câline
Lui parler, lui grimper gaîment sur les genoux,
Couvrir son front ridé des baisers les plus doux ;
Il ne sait pas lui plaire et l’attendrir encore.
Le vieillard dans sa nuit se cache à cette aurore
Et préfère, en ouvrant son grand œil ébloui,
Au jeune astre l’autre astre évanoui !…


III

Le deux novembre vint : or dans sa solitude
L’antiquaire avait pris la touchante habitude
— À ce jour où les morts font songer les vivants —
D’aller porter, malgré l’hiver, malgré les vents,
Un bouquet sur la tombe où reposait la morte.
Donc l’enfant, dès qu’il eut fermé sur lui la porte,
Promit de s’amuser toute l’après-midi.
Il se mit à jouer, à chanter, enhardi
Par le départ du vieux toujours sombre et morose.
Il redevenait jeune, il redevenait rose,
Sautant comme un oiseau dans le grand corridor.
Soudain à la serrure il vit un rayon d’or ;