Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/62

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Les saules, dont les pieds plongent au bord des eaux,
Laissant s’y rafraîchir leur pâle chevelure,
Rêvent dans une morne et fantastique allure.
Les moulins reposés, immobiles et droits,
Avec leurs bras ouverts semblent de grandes croix ;
Sur des cordes, le linge entre les arbres sèche
Et claque au frôlement de la brise plus fraîche ;
L’Angélus du soir vibre en accords argentins ;
Un bruit vague de voix se perd dans les lointains,
Et par moments le cri rythmique des cigales
Perce d’un son aigu ces rumeurs musicales.

Et c’est pour l’âme un charme ineffable de voir
L’automne unir sa grâce à la grâce du soir,
Car l’heure et la saison étant de connivence
Font doux l’hiver qui vient et la nuit qui s’avance.