Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et leur tend dans la nuit ses bras ensanglantés
Sous les rayons blafards de leurs lampes de cuivre,
Ils épuisent leur force aux mornes voluptés !

Nous regardons passer des profils blonds et roses
Riant dans les miroirs comme dans des étangs ;
Eux cherchent Jésus-Christ dans les apothéoses
Des vitraux, que la lune éclaire par instants ;
Nous regardons passer des profils blonds et roses.

Ils ont vidé leurs cœurs pour y faire entrer Dieu,
Et dans leur petit temple aux couleurs nuancées
Ils ornent les autels où luit la lampe en feu,
Au lieu que nous parons nos douces fiancées,
Ils ont vidé leurs cœurs pour y faire entrer Dieu !

Peut-être empêchent-ils que l’orage n’éclate :
Ils sont les matelots et nous les passagers ;
Vers l’éternité sombre ils poussent la frégate,
Pendant que nous chantons conjurant les dangers ;
Peut-être empêchent-ils que l’orage n’éclate !…