Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/110

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— Assurément non !

À ce moment j’aperçus dans le carton, où il reclassait la reproduction de la Marseillaise, une photographie de ses admirables Bourgeois de Calais.

— Pour vous prouver, repris-je, que j’ai profité de votre enseignement, laissez-moi en faire l’application à l’une de vos plus belles œuvres : car les principes que vous venez de me révéler, je vois bien que vous-même les avez mis en pratique.


Dans vos Bourgeois de Calais que voici, l’on reconnaît une succession scénique toute semblable à celle que vous avez notée dans les chefs-d’œuvre de Watteau et de Rude.

Celui de vos personnages qui occupe la place du milieu attire d’abord les regards. C’est, à n’en pas douter, Eustache de Saint-Pierre, il incline sa tête grave aux longs cheveux vénérables. Il n’a nulle hésitation, nulle crainte. Il avance posément, les yeux tournés en dedans, sur son âme. S’il vacille un peu, c’est à cause des privations qu’il a endurées pendant un long siège. C’est lui qui inspire les autres : c’est lui qui s’est offert le premier pour faire partie des six notables dont la mort, selon la condition du vainqueur, doit sauver leurs concitoyens du massacre.