Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/121

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le bourgeois qui est à côté de lui n’est pas moins vaillant. Mais s’il ne se lamente pas sur lui-même, la capitulation de sa cité lui cause une affreuse douleur. Tenant en main la clé qu’il va remettre aux Anglais, il raidit tout son corps pour trouver la force de supporter l’humiliation inévitable.

Sur le même plan qu’eux, à gauche, l’on voit un homme qui est moins courageux ; car il marche presque trop vite et l’on dirait qu’ayant pris sa résolution, il cherche à abréger le plus possible le temps qui le sépare du supplice.

Et par derrière ceux-ci vient un bourgeois qui, serrant son crâne dans ses deux mains, s’abandonne à un violent désespoir. Peut-être songe-t-il à sa femme, à ses enfants, à ceux qui lui sont chers, à ceux qu’il va laisser sans appui dans l’existence.

Un cinquième notable passe sa main devant ses yeux comme pour dissiper un cauchemar effrayant. Et il trébuche, tant la mort l’épouvante.

Enfin voici un sixième bourgeois plus jeune que les autres. Il paraît encore indécis. Un souci terrible contracte son visage. Est-ce l’image de son amante qui occupe sa pensée ?… Mais ses compagnons marchent : il les rejoint et il allonge le cou comme pour le tendre à la hache du Sort.