Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/172

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attentivement qu’il y a de la cruauté cachée sous cette somnolence hypocrite. Un physionomiste sait parfaitement distinguer entre un air patelin et un air de bonté réelle, et c’est précisément le rôle de l’artiste de faire apparaître la vérité, même sous la dissimulation.

À vrai dire, il n’y a pas de travail artistique qui réclame tant de perspicacité que le buste et le portrait. On croit parfois que le métier d’artiste demande plus d’habileté manuelle que d’intelligence. Il suffit de regarder un bon buste pour revenir de cette erreur. Une telle œuvre vaut une biographie. Les bustes de Houdon, par exemple, sont écrits comme des chapitres de Mémoires. Époque, race, profession, caractère personnel, tout y est indiqué.

Voici Rousseau en face de Voltaire. Beaucoup de finesse dans le regard. C’est la qualité commune de tous les personnages du dix-huitième siècle. Ce sont des critiques : ils contrôlent tous les principes jusqu’alors admis ; ils ont des yeux scrutateurs.

Maintenant l’origine. C’est le plébéien genevois. Autant Voltaire est aristocratique et distingué, autant Rousseau est rude et presque vulgaire :