Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/199

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ciennes croyances, seul devant la Nature dont il a pénétré quelques secrets, mais qui reste si immensément mystérieuse, seul au bord de l’abîme infini des cieux ; et son front tourmenté, ses yeux baissés sont douloureusement mélancoliques. Cette belle tête est comme l’emblème de l’intelligence moderne, qui, rassasiée de savoir, presque lasse de pensée, finit par se demander : À quoi bon ?

Les bustes dont je venais d’admirer les reproductions et dont mon hôte venait de m’entretenir se groupaient maintenant dans mon esprit et m’apparaissaient comme le plus riche trésor de documents sur notre époque.

— Si Houdon, dis-je à Rodin, a écrit les Mémoires du dix-huitième siècle, vous avez rédigé, vous, ceux de la fin du dix-neuvième.

Votre style est plus âpre, plus violent que celui de votre devancier ; les expressions en sont moins élégantes, mais plus naturelles encore et plus dramatiques, si je puis dire.

Le scepticisme, qui au dix-huitième siècle était distingué et frondeur, est devenu chez vous rude et poignant. Les personnages de Houdon étaient plus sociables, les vôtres sont plus concentrés. Ceux de Houdon portaient leur critique sur les abus d’un