Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/207

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de ce torse marquait la torture de la pensée et sa glorieuse, mais vaine obstination à creuser des questions auxquelles elle est incapable de répondre. Et la mutilation des membres indiquait l’insurmontable dégoût qu’éprouvent les âmes contemplatives pour la vie pratique.

Pourtant je me rappelai, alors, une critique qu’ont souvent provoquée les œuvres de Rodin et, sans m’y associer d’ailleurs, je la soumis au maître pour savoir comment il y répliquerait.

— Les littérateurs, lui dis-je, ne peuvent qu’applaudir aux vérités substantielles exprimées par toutes vos sculptures.

Mais certains de vos censeurs vous blâment, précisément, d’avoir une inspiration plus littéraire que plastique. Ils prétendent que vous captez habilement les suffrages des écrivains en leur fournissant des thèmes sur lesquels leur rhétorique peut se donner libre carrière. Et ils déclarent que l’art n’admet pas tant d’ambition philosophique.


— Si mon modelé est mauvais, répondit vivement Rodin, si je commets des fautes d’anatomie, si j’interprète mal les mouvements, si j’ignore la science d’animer le marbre, ces critiques ont cent fois raison.