Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/208

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais si mes figures sont correctes et vivantes, qu’ont-ils donc à y reprendre ? Et de quel droit voudraient-ils m’interdire d’y attacher certaines intentions ? De quoi se plaignent-ils si, en plus de mon travail professionnel, je leur offre des idées, et si j’enrichis d’une signification des formes capables de séduire les yeux ?

L’on se trompe étrangement, du reste, quand on s’imagine que les vrais artistes peuvent se contenter d’être des ouvriers habiles et que l’intelligence ne leur est pas nécessaire.

Elle leur est indispensable, au contraire, pour peindre ou pour tailler même les images qui semblent les plus dénuées de prétentions spirituelles et qui ne sont destinées qu’à charmer les regards.

Quand un bon sculpteur modèle une statue, quelle qu’elle soit, il faut d’abord qu’il en conçoive fortement le mouvement général ; il faut, ensuite, que jusqu’à la fin de sa tâche, il maintienne énergiquement dans la pleine lumière de sa conscience son idée d’ensemble, pour y ramener sans cesse et y relier étroitement les moindres détails de son œuvre. Et cela ne va pas sans un très rude effort de pensée.

Ce qui, sans doute, a fait croire que les artistes