Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/226

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révèlent nécessairement les émotions de son âme. Le corps exprime toujours l’esprit dont il est l’enveloppe. Et pour qui sait voir, la nudité offre la signification la plus riche. Dans le rythme majestueux des contours, un grand sculpteur, un Phidias reconnaît la sereine harmonie répandue sur toute la Nature par la Sagesse divine ; un simple torse, calme, bien équilibré, radieux de force et de grâce, peut le faire songer à la toute-puissante raison qui gouverne le monde.

Un beau paysage ne touche pas seulement par les sensations plus ou moins agréables qu’il procure, mais surtout par les idées qu’il éveille. Les lignes et les couleurs qu’on y observe n’émeuvent point en elles-mêmes, mais par le sens profond qu’on y attache. Dans la silhouette des arbres, dans la découpure d’un horizon, les grands paysagistes, les Ruysdaël, les Cuyp, les Corot, les Théodore Rousseau entrevoient des pensées souriantes ou graves, hardies ou découragées, paisibles ou angoissantes, qui s’accordent avec la disposition de leur esprit.

C’est que l’artiste, qui déborde de sentiment, ne peut rien imaginer qui n’en soit doué comme lui-même. Dans toute la Nature, il soupçonne une