Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/93

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— Très exact ! Et tenez, par exemple, tandis que mon Saint Jean est représenté les deux pieds à terre, il est probable qu’une photographie instantanée faite d’après un modèle qui exécuterait le même mouvement, montrerait le pied d’arrière déjà soulevé et se portant vers l’autre. Ou bien, au contraire, le pied d’avant ne serait pas encore à terre si la jambe d’arrière occupait dans la photographie la même position que dans ma statue.

Or, c’est justement pour cette raison que ce modèle photographié présenterait l’aspect bizarre d’un homme tout à coup frappé de paralysie et pétrifié dans sa pose, comme il advient dans le joli conte de Perrault aux serviteurs de la Belle au Bois Dormant, qui tous s’immobilisent subitement dans l’attitude de leur fonction.

Et cela confirme ce que je viens de vous exposer sur le mouvement dans l’art. Si, en effet, dans les photographies instantanées, les personnages, quoique saisis en pleine action, semblent soudain figés dans l’air, c’est que toutes les parties de leur corps étant reproduites exactement au même vingtième ou au même quarantième de seconde, il n’y a pas là, comme dans l’art, déroulement progressif du geste.