Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LE COUVENT.

qui n’eût pas tardé, m’avez-vous dit, à se glorifier de ma faiblesse… Ah ! ce n’est pas sous ces traits que je me représentais le chevalier !

— N’en doutez pas, Agathe, ce zèle qu’il a mis à vous protéger, ce respect affecté dont il a fait parade devant vous, tout cela n’était qu’un calcul adroit, sous lequel le chevalier masquait ses desseins ; il avait d’ailleurs des engagemens…

— J’ignore le monde, ma tante, et ce que c’est que tromper… Je ne puis encore me persuader pourtant que ce fût un mensonge que cette voix m’adressant de douces paroles, au sortir de ce gouffre, dans lequel je pouvais demeurer à tout jamais engloutie ! Au milieu même de ce silence religieux qui m’entoure, je me retrouve crédule à mes moindres souvenirs. Je le vois encore m’arrachant à cette compagnie hideuse ; je crois sentir la pression de son bras. À peine mes lèvres ont-elles échangé quelques mots avec celles du chevalier, et cependant, faut-il vous le dire, je sens que je l’aime… Si vous l’aviez vu comme moi accourir la nuit, pâle et meurtri, dans ma maison, cet homme qui m’avait sauvée ! Si vous l’aviez vu essuyer les arrogances de Maurice, rester noble et calme devant ce jeune homme, sans même brandir son épée ! Comme il y avait de tristesse dans ce regard qu’il m’a adressé, quelle générosité touchante et douce dans ce silence qu’il s’est imposé vis-à-vis de moi ! Quant à ce que vous appelez sa fausseté, il est sans doute du petit nombre de ces hommes si séduisans au dehors que l’on méconnaît leur cœur… À son tour peut-être il a été pris comme un de ces héros