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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Vous oublier ! Saint-Georges ; non, vous n’êtes point de ceux qu’on oublie. Voire voix en ce moment a pour moi la douceur de celle d’un ami ; pourquoi faut-il que je ne vous aie pas tendu la main avant le duc d’Orléans ? Vous resteriez près de moi, Saint-Georges, et maintenant vous partez !

— Oui, je pars, répondit-il en faisant sur lui-même un prodigieux effort, je pars comblé de douleurs et de regrets. Adieu, noble femme, dont j’aurais pu être le serviteur ; adieu, maîtresse souveraine, dont j’ai tant de fois baisé la main dans mes rêves. Un démon jaloux m’a séparé longtemps de votre présence, et vous-même vous avez pu me croire votre ennemi. Adieu, reine ; je ne demande rien, et je pars. Qui sait, madame, où nous nous reverrons un jour ! Qu’importe l’avenir ? j’aurai réchauffé mon âme aux rayons purs de votre soleil. Qu’importent les jours sereins ou mauvais ? je vous aurai toujours contemplé, ange céleste ! Vous voulez savoir ce que je désire de vous ? Hélas ! c’est bien peu, c’est la rose que vous tenez là. Elle est aussi pâle en ce moment-ci que vos lèvres. Oh ! donnez-la-moi : je saurai bien, reine, la protéger sur ma poitrine, cette douce et chaste fleur ! À elle seule, madame, j’oserai dire ce que je ne pourrais dire sans vous offenser ! Encore une fois, je suis un insensé qui ne mérite que l’oubli !

En prononçant cet adieu, sa tête était retombée sur sa poitrine… Il pleurait alors, et il sanglotait comme un enfant.

La reine en eut pitié ; elle lui tendit la rose blan-