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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

s’étaient emparés de la Martinique et de la Guadeloupe et n’avaient pas tardé à se communiquer à Saint-Domingue.

La plus belle de nos colonies tendait la gorge au couteau. Partout l’effervescence, les déclamations, les massacres. Le contre-coup de la révolution de France se faisait sentir aux îles après les encyclopédistes, les tueurs ; après Voltaire et Franklin, Jean François et Biassou. La philosophie nègre prêchait son code à sa manière. Les nobles de Saint-Domingue avaient émigré comme les nobles de Paris : il fallait s’emparer à Saint-Domingue des domaines dont le maître était absent, comme on allait écrire à Paris biens de la nation sur le toit des fugitifs et des proscrits.

Comparé au peuple de Paris, le peuple noir fut-il plus atroce ? nous ne le croyons pas, car ce peuple avait moins lu.

Comme à Paris, ce n’était pas encore le temps de Robespierre ; ce n’était pas non plus encore, à Saint-Domingue, le temps de Toussaint Breda[1]. Les généraux nègres ne portaient pas encore l’uniforme à galons d’or ; les femmes de la colonie ne brodaient pas encore des chemises de batiste à Toussaint[2] et n’entretenaient pas avec lui de galantes correspondances. Le nègre Dessalines n’avait pas encore de salons et ne portait pas sur sa tête poudrée un peigne en diamans sorti des ateliers de l’Empereur[3]

  1. Toussaint l’Ouverture.
  2. Mémoires d’un naturaliste, tome 3, p. 251.
  3. Fameux joaillier de Paris.