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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

meure ? Qu’as-tu besoin de m’y venir insulter, puisque le premier je t’ai craché l’insulte au visage ?

— Dieu m’est témoin, marquis, répondit Saint-Georges avec lenteur, que ce n’est pas moi qui ai provoqué ce combat, vous étiez dans le délire… Pourtant si vous voulez me faire des excuses devant quelques officiers du prince, je m’en contenterai, dit-il en abaissant la voix avec émotion.

— Des excuses à un valet ! des excuses ! Veux-tu, chevalier, que j’éveille un des hommes d’écurie de cette maison ? il t’adressera les siennes… Encore une fois… hors d’ici ! et songe que je puis appeler… Ne te souviens-tu donc plus que tu m’obéissais à Saint-Domingue ?

— Il est heureux pour vous que cette jeune fille évanouie n’entende pas, elle vous croirait, Maurice, le dernier et le plus lâche de tous les hommes. Vous êtes né bon et généreux cependant, c’est votre mère qui vous a perdu ; votre mère, qui vous a soufflé la méchanceté et l’orgueil !

— Misérable ! il ne te suffit pas de m’insulter, il faut que tu insultes ma mère ! Voici mon épée ; tire la tienne à ton tour ! En garde ! spadassin, défends-toi !

Maurice avait fondu l’épée haute sur le mulâtre…

Saint-Georges esquiva le coup et fit observer froidement à Maurice qu’on lui avait pris son épée dans cette attaque dont il avait failli être victime… Ses yeux noirs avaient grandi de moitié ; ils lançaient l’éclair du fond de leur orbite ardent et cave ; deux larmes de rage et de honte coulaient parallèlement de