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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

après qu’il aurait quitté le service, laissant à Mme de Langey toute indépendance et toute liberté en fait d’allures. Son fils éloigné, elle rentrait plus que jamais en possession du cœur de M. de Boullogne, chez lequel elle avait remarqué certaine froideur. Toutes ses batteries, on le voit, étaient merveilleusement disposées. La seule querelle de Maurice avec Saint-Georges les ruinait.

Nul doute en effet que le mulâtre ne lui fît bientôt porter le deuil de ce fils qui avait eu l’audace de le provoquer devant tous. Nul doute que la seule pensée de sa mère, au lieu d’arrêter son bras, ne vînt exciter sa rage. Mme de Langey ne prévoyait que trop l’inexorable vengeance de Saint-Georges ; elle le jugeait impatient de laver dans le sang du fils la vieille injure de la mère. La mort de cet enfant changerait les dispositions du vieillard en sa faveur ; M. de Boullogne l’en accuserait, il ne la verrait plus qu’avec horreur. À tout prix, il lui fallait empêcher le duel entre Maurice et Saint-Georges.

La froideur de ces calculs chez une femme qui ne mériterait pas le nom de mère n’étonnera aucun de ceux qui savent que la vie d’un fils, pour certaines créatures dégradées, n’est qu’un chiffre représentant telle ou telle rente. À examiner de près Mme de Langey, on eût pu cependant cette nuit-là lui croire un cœur, tant il y avait d’anxiété dans son regard et d’agitation dans sa personne. Elle se promenait de long en large, cherchant à quelle idée elle s’accrocherait elle-même pour empêcher ce combat inévitable ; elle s’arrêtait à mille plans plus inadmissibles les uns