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REVANCHE.

en appuyant contre le marbre du secrétaire son front brûlant, il ignore que j’ai là de quoi ruiner d’un coup sa fortune et le crédit de sa mère !… Et il m’a parlé dans cette nuit de grandeur et de noblesse ! Oh ! ma mère, ma mère, une pauvre esclave, est plus noble que la sienne !

À cette pensée sa robuste poitrine se brisa, sa voix se perdit en sanglots étouffés ; il songeait sans doute que cette mère ne lui avait jamais donné ni tristesse ni amertume ; son image se reflétait alors sur l’onde émue de son cœur comme celle d’une douce et noble femme.

— Si je l’embrassais ! pensa-t-il ; si avant de me battre contre cet infâme, j’allais lui demander moi-même mon pardon ! car, je le confesse, mon Dieu, j’ai osé rougir de ma mère, de ma mère, le refuge assuré de mes douleurs ! Sa vie près de moi a été triste, misérable !… Ce matin même j’ai eu à peine le temps de lui demander ce qu’elle était devenue quand hier encore j’ai failli la voir périr. Quand ce mariage sera consommé, il ne me restera plus que son amour !

Cachant sa tête dans ses mains, Saint-Georges s’était pris à pleurer… Platon entra en ce moment ; il précédait une dame dont le voile était abaissé ; Saint-Georges se leva rapidement, il crut que c’était Mme de Montesson.

— Vous ici, madame, vous ici ! reprit-il avec une incroyable expression d’étonnement dès que Platon fut sorti et que la dame eut levé son voile. Vous ! la marquise de Langey !!!