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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Saint-Georges gardait l’attitude d’un homme frappé de la foudre : on eût dit que la vie l’avait quitté ! Les ombres confuses évoquées devant lui par cet étrange magicien l’avaient plongé dans une sorte de torpeur ; ses yeux ne quittaient plus ceux du contrôleur général. Les paroles de cet homme bourdonnaient encore comme l’eau dans ses oreilles…… Il s’arracha bientôt à cet immobile étonnement, et plongeant à son tour dans l’âme du vieillard :

— Monsieur, lui dit-il, après ce que j’ai entendu, je ne vous ferai pas l’injure de croire que vous ayez voulu me tromper. Un vieillard qui ment, un pied dans la tombe, cela se voit rarement. Dans l’histoire que vous venez de dérouler devant moi, vous vous êtes accusé vous-même de mon abandon, je ne veux pas mettre en doute la sincérité de vos remords. Oui, vous m’avez banni, repoussé, laissé dans l’ombre ! Vous avez appelé l’instant de ma mort, parce que ma vie avait le fatal pouvoir de vous offusquer, parce que je vous semblais devoir mettre en péril votre propre honneur… Péril étrange en effet que de voir venir à soi un homme qui ne peut vous faire baisser les yeux, alarme inouïe que celle de presser contre son sein un fils dont le bras peut vous défendre ! N’importe, vous m’avez rayé de votre mémoire, monsieur. Lorsque tout le monde m’avait accepté, vous m’avez nié à la face de tout le monde. Il a fallu un péril sur la tête de ce fils que vous proclamez votre seul enfant, pour que vous vinssiez. D’aujourd’hui seulement vous vous apercevez que vous avez un autre fils ! À mon tour, monsieur, j’ai