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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

quise, la peau douce et satinée…… Dites-moi donc où vous prenez ces épaules et ces mains-là ? Vous avez aujourd’hui un petit air dragon qui vous convient à ravir ! Si j’embrasse votre épaule, c’est votre faute ; elle est plus belle qu’un beau marbre !

— Ne trouvez-vous pas, chevalier, que toutes ces glaces devraient répéter autre chose que les agrémens éternels de Mme de Montesson ? J’ai bien ri, chevalier, de ses airs de jeune vestale au déjeuner ; elle n’y a pas mangé une fraise sans jouer la distraction, comme si elle était la Zobéide d’Angola ! Que dites-vous de son mulâtre, ma foi, et ne doit-elle pas le blanchir quand elle l’embrasse ? Fardée, ridée, décrépite, quelle syrène ! chevalier ! Elle est anéantie, parole d’honneur.

— Vous m’avez fait tomber de mon haut, marquise, en m’assurant que ce chevalier de Saint-Georges n’était autre que ce petit monstre de sauvage à qui nous donnions nos fusils de chasse à porter chez vous à la Rose ! Je l’ai toujours tenu pour mulâtre, au fond, tout en lui prodiguant les épithètes d’Américain et de créole ; mais, par la sambleu ! je ne pouvais guère me douter que le tatouage dût un jour devenir de mode !

— Qu’y a-t-il d’étonnant, chevalier, Mlle Béraud de la Haye, autrement la Montesson, n’est-elle pas la fille d’un capitaine négrier de Saint-Malo ? Reliquat de compte, chevalier, suite de la traite !

— Vous devriez vraiment l’avertir, cette digne marquise de Montesson, que le chevalier de Saint-Georges est l’as de pique habillé !