Page:Rolland - Au-dessus de la mêlée.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

91
LES IDOLES

même, et que cet ennemi est la paix, cet ennemi est l’esprit. « Ja, der Geist ist zivil, ist bürgerlich. » Il ose enfin se faire et faire à sa patrie un étendard de ces vers : « La loi est l’ami des faibles, elle voudrait aplatir le monde ; mais la guerre fait surgir la force… »

 
Das Gesetz ist der Freund des Schwachen,
Mochte gern die Welt verflachen,
Aber der Krieg lasst die Kraft erscheinen…

Dans cette surenchère criminelle de violence, Thomas Mann lui-même a été dépassé. Ostwald prêchait la victoire de la Kultur, au besoin par la force. Mann démontrait que la Kultur est la force. Il devait se trouver un homme, pour rejeter les derniers voiles de la pudeur et dire : « La force seule. Silence au reste ! » — On a lu des extraits de l’article cynique où Maximilian Harden, traitant de pauvres mensonges les efforts éperdus de son gouvernement pour excuser la violation de la neutralité belge, a osé écrire :

« À quoi rime ce tapage ?… La force crée pour nous le droit… Un puissant s’est-il jamais soumis aux folles prétentions, à la sentence d’une bande de faibles ?… »

Quel symptôme de la démence où l’orgueil et la lutte ont jeté l’intelligence allemande, et de l’anarchie morale de cet Empire, dont l’organisation n’est imposante qu’aux yeux de ceux qui ne vont pas plus loin que la façade ! Car qui ne