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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

voit la faiblesse d’un gouvernement qui bâillonne sa presse socialiste et qui tolère un démenti aussi insultant ? Et qui ne voit surtout que de telles paroles diffament l’Allemagne pour des siècles, devant l’univers ?… Ces pauvres intellectuels s’imaginent qu’avec leur étalage de Nietzschéisme et de Bismarckisme forcenés ils font de l’héroïsme et en imposent au monde ! Ils ne font que le révolter. Ils veulent qu’on les croie ! On ne les croit que trop. On ne demande qu’à les croire. Et l’Allemagne tout entière sera rendue responsable du délire de quelques écrivains. L’Allemagne n’aura pas eu d’ennemis plus funestes que ses intellectuels.



Je n’y mets pas de parti pris. Je ne suis pas fier non plus des intellectuels français. L’idole de la race, ou de la civilisation, ou de la latinité, dont ils font tant abus, ne me satisfait pas. Je n’aime aucune idole, — même celle de l’humanité. Du moins, celles que servent les miens offrent moins de dangers ; elles ne sont pas agressives ; et d’ailleurs, il subsiste même chez les plus exaltés de nos intellectuels un fond de sens commun qui leur vient du terroir et dont ceux d’Allemagne dont je viens de parler semblent avoir perdu jusqu’aux dernières gouttes. Mais il faut bien le dire, ni d’un côté