Page:Rolland - Au-dessus de la mêlée.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

7
LETTRE OUVERTE À GERHART HAUPTMANN

morts, à la gloire des siècles. Vous bombardez Malines, vous incendiez Rubens. Louvain n’est plus qu’un monceau de cendres, — Louvain avec ses trésors d’art, de science, la ville sainte ! Mais qui donc êtes-vous ? et de quel nom voulez-vous qu’on vous appelle à présent, Hauptmann, qui repoussez le titre de barbares ? Êtes-vous les petit-fils de Gœthe, ou ceux d’Attila ? Est-ce aux armées que vous faites la guerre, ou bien à l’esprit humain ? Tuez les hommes, mais respectez les œuvres ! C’est le patrimoine du genre humain. Vous en êtes, comme nous tous, les dépositaires. En le saccageant, comme vous faites, vous vous montrez indignes de ce grand héritage, indignes de prendre rang dans la petite armée européenne qui est la garde d’honneur de la civilisation.

Ce n’est pas à l’opinion du reste de l’univers que je m’adresse contre vous. C’est à vous-même, Hauptmann. Au nom de notre Europe, dont vous avez été jusqu’à cette heure un des plus illustres champions, — au nom de cette civilisation pour laquelle les plus grands des hommes luttent depuis des siècles, — au nom de l’honneur même de votre race germanique, Gerhart Hauptmann, je vous adjure, je vous somme, vous et l’élite intellectuelle allemande où je compte tant d’amis, de protester avec la dernière énergie contre ce crime qui rejaillit sur vous.

Si vous ne le faites point, vous montrez de