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PRO ARIS

nellement renouvelée. Nous qui répudions l’esprit vindicatif de ce cruel génie, nous ne rendons pas un peuple responsable des actes de quelques-uns. Il nous suffit du drame qui se déroule sous nos yeux, et dont le dénouement presque infaillible doit être l’écroulement de l’hégémonie allemande. Ce qui le rend surtout poignant, c’est que pas un de ceux qui constituent l’élite intellectuelle et morale de l’Allemagne, — cette centaine de hauts esprits et ces milliers de braves cœurs, dont aucune grande nation ne fut jamais dépourvue, — pas un ne se doute vraiment des crimes de son gouvernement ; pas un, des atrocités commises en Wallonie, dans le Nord et dans l’Est français, pendant les deux ou trois premières semaines de la guerre ; pas un, (cela semble une gageure !) de la dévastation volontaire des villes de Belgique et de la ruine de Reims. S’ils venaient à envisager la réalité, je sais que beaucoup d’entre eux pleureraient de douleur et de honte ; et de tous les forfaits de l’impérialisme prussien, le pire, le plus vil, est d’avoir dissimulé ses forfaits à son peuple : car, en le privant des moyens de protester contre eux, il l’en a rendu solidaire pour des siècles ; il a abusé de son magnifique dévouement.

Certes, les intellectuels sont coupables, eux aussi. Car si l’on peut admettre que les braves gens qui, dans tous les pays, acceptent docilement les nouvelles que leur donnent en pâture