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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/47

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Mais, de ce vieux monde, qui jette si noblement le manteau de son aristocratie sous les pieds des artistes, le jeune Beethoven a connu le sourire affectueux, et il l’a méprisé : il fouie aux pieds le manteau.

Il n’est pas le premier de ces paysans du Danube — et du Rhône (les deux premiers : Gluck et Rousseau), qui voient l’orgueilleuse noblesse s’empresser à leur plaire et qui se revanchent sur elle des avanies subies, pendant des générations, par les hommes de leur classe. Mais tandis que le « chevalier Gluck » (le fils du forestier), né matois, sait allier les violences permises à ce qu’il doit aux grands, et même de ces violences se fait une réclame, — tandis que le timide Jean-Jacaues s’incline en bredouillant et ne se souvient des fiers discours qu’il aurait pu tenir, qu’en descendant l’es cahier, — Beethoven dit tout haut, en face, en plein salon, le mot de mépris ou l’injure qu’il pense de ce monde. Et quand la mère de la princesse Lichnowsky, la comtesse de Thun, le noble femme qui fut l’amie de Gluck et la protectrice de Mozart, se met à genoux devant lui et le supplie de jouer, il ne se lève même pas de son sofa, et refuse…[1] « Oignez vilain ! »… Par lui, des siècles se vengent. Comme toujours, sur les plus tendres !…

Que de bonté lui témoigne cette princière maison des Lichnowsky ! Le petit sauvage de Bonn, ils l’ont adopté comme un fils, patiemment dégrossi, en prenant mille peines

1. Récit de Mme von Bernhard (cî. Nohl et Ivalischer).

Les journaux du temps notent le ton hautain de Beethoven. Haydn l’appelait « le Grand Mogol ».

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