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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/52

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BEETHOVEN

veraine, qui domine la vaste plaine de la vie et ses ombres ! C’est l’œuvre d’un jeune homme de vingt-six ans (1796). Et tout Beethoven est déjà là… Quelle maturité d’âme ! S’il n’a pas été aussi précoce que Mozart, dans l’art du beau parler harmonieux, combien plus il le fut dans la vie intérieure, dans la connaissance et la maîtrise de soi, des passions et des rêves ! La dure enfance, les expériences prématurées, ont de bonne heure développé ces dispositions. Je vois Beethoven enfant — ainsi que l’observait le voisin boulanger[1] — à sa fenêtre du grenier de Bonn, qui donne sur le Rhin, la tète dans ses mains, absorbé dans « ses belles, profondes pensées ». Peut-être chante en lui la plainte mélodieuse, l’adagio poétique de la première sonate pour piano[2]. Enfant, il est déjà hanté par la mélancolie ; il l’écrit, dans la lettre poignante qui ouvre sa correspondance[3] : « La mélancolie, qui pour moi est un mal presque aussi grand que la maladie même… » Mais il aura, de bonne heure, le pouvoir magique de s’en délivrer, en la fixant dans l’art des sons…[4]

1. Journal du vieux Gottfried Fischer. Ce manuscrit fait partie des collections de la maison de Beethoven, à Bonn ; et Thayer en a donné de longs extraits dans le premier volume de sa Biographie.

2. Ce bel adagio, avant d’appartenir à la sonate op. 2, n° 1 (tienne 1795), avait fait partie du quatuor en ut majeur, écrit à Bonn en 1785. Beethoven avait alors quatorze ans. Dans sa pensée, c’était une plainte ; et Wegeîer en fit, avec son consentement, une mélodie, imprimée sous ce titre : Die Liage. On la trouvera dans les appendices aux Notices biographiques sur Beethoven, par egeler et Ries.

3. Lettre à M. do Schaden, 15 septembre 1787 (traduction in extenso dans le volume de J. C. Frod’homme : La Jeunesse de Beethoven.)

4. Précisément dans le Largo e tneslo de la sonate op, 10 n° J,

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