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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/75

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Il est vrai : il avait le tort de ne pas savoir s’adapter à la mesure ordinaire.

Ils ne mettent pas moins de zèle à démontrer qu’il ne fut, somme toute, pas si malheureux !

Il est encore vrai : ce malheureux portait en lui l’immense joie des Symphonies…

Mais quand ils prennent argument de son rire, pour nier sa douleur, ils manquent non seulement du sens de la grandeur, mais de la plus élémentaire humanité. Que l’histoire, aux mains d’érudits consciencieux, qui cherchent la vie dans les archives, sans la chercher dans l’homme, est donc une trahison !… Je ne voudrais pas être injuste. Ils ont, avec une patience de fourmis, méticuleusement ramassé un trésor de documents, dont nous ne pourrons assez les remercier : et leur sang de bons musiciens, de temps en temps, s’échauffe, pour rendre un bel hommage à la periection de l’art. Mais qu’ils sont dénués de vie ! Et que la vie leur demeure une énigme fermée ! Nulle psychologie. Et surtout, ils ne se doutent jamais des proportions du héros. Ils le mesurent avec le mètre commun à tous les hommes. — — Ils ont raison. — Ils ont tort ! Leur mètre leur donne le droit de juger disproportionnée la montagne. C’est qu’ils la voient d’en bas. Et la montagne, à son tour, aurait le droit de les taxer de ce « Geist der Kleinlichkeit » (cet esprit de la petitesse), que Beethoven, irrité, attribuait à un de ses braves amis, et qu’il abominait.

Beethoven ne serait pas Beethoven, si tout ce qu’il est, il ne l’était « trop » ! Je ne loue point. Je ne blâme point. Je cherche à le peindre tout. Qui veut le comprendre