Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
38
GŒTHE ET BEETHOVEN

tique : car cette date embrasse souvent plusieurs mois de lettres ou d’entretiens. — Le tout vaut pour l’historien ce que valent les facultés, reconnues, de Bettine pour voir, entendre et comprendre, sous réserve d’une prudente estimation de l’intérêt (même inconscient) qu’elle peut avoir à dire ou farder la vérité. Ce travail critique est à faire, pour chaque lettre. Et quand Goethe est seul mis en cause, il est sage, sans doute, de tenir compte du penchant amoureux de Bettine à l’idéaliser, en mêlant sa propre vie à celle de l’idole.

Mais ce n’est point le cas pour Beethoven. C’est même tout le contraire. Le culte de Bettine pour Gœthe aurait dû la porter à négliger Beethoven, et lui faire éviter de heurter Gœthe, en cette occasion, pour elle secondaire. Or, il n’en est rien. Et Bettine, bravement, bataille avec passion, contre tous, pour Beethoven. Rien, dans toute sa vie, ne lui fait plus d’honneur ; et c’est en la voyant de près, à de telles journées, qu’on reconnaît, sous ses défauts de surface, sa loyauté profonde, cet instinct de justice, qui parle en elle plus haut que son amour 1.

1. Je montrerai dans mon autre « Essai sur Bettine », à quel point elle a été plus tard, dan3 sa vie politique, une héroïne de la justice, et le champion intrépide de tous les opprimés.