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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/66

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GŒTHE ET BEETHOVEN

Si l’inoffensif Arnim lui arrache ces carreaux du tonnerre, que sera-ce de Beethoven ? Gœthe n’était pas assez musicien pour voir en Beethoven ce que nous voyons sans peine aujourd’hui (ce que Bettine avait deviné : l’impériale maîtrise (Herrlichkeit) de la volonté, en art, sur les éléments déchaînés. Et il était assez musicien, (juste autant que Tolstoï), pour voir ce déchaînement et pour en être effrayé. Car il n’entendait que les flots, et non le : « quos ego !... » Peut-être même, s’il eût constaté que Beethoven en restait le dominateur, n’en eût-il pas été plus rassuré pour lui-même. Osons le dire, il a le vertige, au bord de tous les gouffres. Et il regarde Beethoven qui gesticule, sur la margelle, comme une sorte de fou, un somnambule qui finira par rouler au fond. Il repousse la main du fou qui se tend vers lui et cherche à l’agripper... J’avais écrit ces lignes, avant de lire la scène qui suit : elle prouvera l’exactitude de mon intuition.

Le 12 avril 1811, Beethoven écrit à Gœthe l. 1. Il l’avait annoncé d’avance à Bettine, dans sa lettre authen*tique du 10 février 1811, en la priant de le recommander à Goethe : ce que Bettine fit chaleureusement, bien qu’un peu tard, le 11 mai seulement, quand la démarche de Beethoven était accomplie. Mais la chère enfant restait baignée dans ses songeries ; et les jours, les semaines coulaient sans qu’elle s’en doutât. — Ajoutons qu’elle se mariait ! (11 mars). Evénement qui, sans avoir pour elle peut-être autant d’importance que ceux de sa vi® de rêve, devait pourtant lui causer quelque distraction 1