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BEETHOVEN

que les Beethoveniens qui ont cité le récit, n’aient pas remarqué combien le portrait a des traits différents de ceux qu’on représente ordinairement). Relistab (il avait alors vingt-six ans, et venait, tout débordant d’enthousiasme romantique) est déçu de ne pas retrouver cette « sauvagerie puissamment géniale », que lui promettaient les portraits. « Rien n’exprimait cette rudesse (Schroffheit), ce déchaînement effréné (Fessellosigkeit), qu’on a prêtés à sa physionomie, pour la mettre en accord avec ses œuvres. » Car, avec l’impertinence de la jeunesse, il ne lui vient pas à l’idée que ces expressions, qu’il ne voit pas, ont pu être celles du Beethoven d’hier, et qu’elles seront peut-être celles du Beethoven de demain. Non, le seul Beethoven est celui qu’il voit, celui qu’il a !… Et c’est celui de la maladie. À la première visite, où il le trouve, au fond de sa chambre, assis sur son lit défait, Beethoven lui dit, « avec un tel regard de honte et de souffrance ! — « Je ne suis pas bien. J’ai été bien malade… » Son visage s’était rapetissé (« le visage beaucoup plus petit qu’on ne le représente »), son nez — ce mufle léonin — étrangement aminci (schmal, scharf), — « la bouche bonne, faible

    c’est Beethoven qui lui ouvre. Il paraît d’abord contrarié par cette visite inattendue, qui sans doute le fatigue, car ses forces ne sont pas tout à fait revenues. — Il parle de son désir d’aller à la campagne, où il retrouvera sa joie à composer. Au milieu de l’entretien, il s’oublie à rêver, debout, à la fenêtre. Rellstab a l’impression que Beethoven ne reviendra plus à la santé et à la force créatrice ;

    3o très peu de jours après, Rellstab vient faire sa visite d’adieux. Cette fois, Beethoven a retrouvé son équilibre. Relistab lui écrit qu’il part le lendemain pour quelques jours et qu’il sera de retour, « au début de mai ». Beethoven dit qu’à cette date il sera probablement déjà à la campagne. — Il est donc clair que Relistab l’a vu seulement en avril, entre la première attaque de la maladie et les premiers jours de son rétablissement. Le mal a été violent et court.