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LES DERNIERS QUATUORS

de rien entreprendre. On le transporta, le 4 ou 5 mai, à Raden, sur les avis du Dr Braunhofer, qui lui prescrivit une diète stricte : ni vin, ni café, ni épices, rien d’excitant, ni même de fortifiant : (ces princes de la science ne savent rien ordonner, même de juste, sans exagérer !) De l’air, du repos, de la patience. Une cure de lait, ausitôt qu’il pourrait le tolérer.

En fait, ce tempérament de paysan, qui suffoquait dans l’enceinte des villes, reprit assez vite pied dans la vie, aussitôt rendu à l’air des champs. Dès le 17 mai, il écrit à son neveu qu’il « recommence à écrire un peu » (ziemlich). Il s’agit bien du quatuor, car on en trouve des notations dans le Cahier de conversations de ces jours (mai-juin).

Mais il n’était plus le Beethoven des tempêtes, qui tenait la plume en mars précédent. Voici comment le vit le jeune poète Ludwig Rellstab, qui le visita en avril, quand il sortait à peine du premier assaut de la maladie[1]. — (Il est curieux

  1. La visite de Rellstab a été mal datée par lui et par les historiens. On l’a placée généralement à la fin d’avril, ou au début de mai, quand la maladie de Beethoven était finie. Je crois pouvoir prouver, d’après le récit même de Rellstab, que Beethoven était alors en pleine crise. Voici les faits :

    1o Rellstab part en voyage, le 21 mars, et fait un séjour à Dresde, auprès de Weber, avant d’arriver à Vienne. À sa première visite, où Beethoven est assis sur son lit, se montre et se dit « tout à fait malade, épuisé », Rellstab, parlant 4e son expression de douleur, dit qu’il a « retrouvé cette expression, des semaines plus tard, alors que Beethoven se sentait beaucoup mieux »;

    2o Rellstab attend « quelques jours », pour renouveler sa visite. Il trouve porte close. La servante lui dit : — « Monsieur est si mal qu’il ne peut parler à personne. »

    Rellstab attend « plus de quinze jours ». Près de quitter Vienne, il écrit : — « L’indisposition se poursuivit, car le mois d’avril avait été mauvais ».

    Après ces quinze jours, il va sonner de nouveau chez Beethoven ; et