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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/246

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BEETHOVEN

C’est pourquoi les commentateurs se sont évertués à chercher la clef de cette unité. Et le danger est que, résolus à la trouver, coûte que coûte, ils l’ont forgée de toutes pièces avec des explications intellectuelles, étrangères à l’essence de la musique.

Le cas s’est aggravé de l’exemple retentissant de Wagner, qui a prétendu voir et décrire, dans le quatuor en ut dièze mineur, « une pure journée de la vie d’un saint de la musique[1]. »

Et naturellement, il a prêté au plus vivant, au plus « immédiat » des musiciens, à ce Rhénan gonflé de sève comme ses vignes, fils de Flamands au sang torrentiel, les élucubrations Schopenhauerisantes, dont sa propre vie est imprégnée, — ces idéologies qu’il a délayées dans un mysticisme sentiinen » tal. Il nous montre « le saint », « qui veut rendre à la mélodie son innocence perdue », puis, conscient de ses pouvoirs magiques, jouant sur le violon la formidable « danse du monde » qui, « à travers les tourbillons, conduit à l’abîme » ; — et « il sourit sur lui-même, car pour lui, cet enchantement n était qu’un jeu… »

C’est peut-être très beau. Mais je crains bien, — (non ! soyons franc ! j’aime à croire) — que Beethoven n’avait pas le temps de philosopher : il était trop pris par sa propre destinée, ses joies, ses peines, et le chaud afflux de ses souvenirs : sa « danse du monde » était faite des danses réelles qu’il rencontrait dans la campagne, et auxquelles, tant de fois il s’était mêlé ; et plus que tout, il était pris, dans son

    quillisant de la règle d’école. Vincent d’Indy l’a dépisté, par avance, dès la première exposition de la réponse, dans la fugue du 1er morceau (p. 248 de son analyse, dans le Cours de Composition, II, 2).

  1. Dans son Beethoven de 1870 (Cf. trad. franç. des Œuvres en prose de Richard Wagner, par J. G. Prod’homme, t. IX).