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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/260

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BEETHOVEN

[partition à transcrire]

L’élan reprend, en modulant ; mais il n’a plus le doux naturel et le coulant du premier chant ; il est entrecoupé de f. et de p., de ritardando qui hésitent, de sforzando qui le forcent, de froissements de notes, dont l’âpreté blessante et savoureuse (ré, fa dièze, la, sol ; — mi, sol, la, fa dièze ;ré, fa dièze, la, mi, etc.) ne s’explique pas du tout, comme les « conséquences rigides d’une polyphonie implacable » (ainsi que le dit Marliave[1], par ailleurs si sensible à la langue pure du sentiment, mais trop [gêné souvent par son enseignement d’école) : c’est la primauté de l’expression vraie qui les commande ; et celle-ci révèle l’acharnement. avec lequel Beethoven s’attache au souvenir, au bonheur passé, qu’il évoque avec un plaisir douloureux. Le prolongement indéfini de ce morceau, à l’air simplet, qui se répète, en se perdant et se reprenant, sans se lasser, tient de la hantise. Beethoven rêve et voudrait bien — mais ne peut pas — se reprendre à son rêve. Par moments, il semble qu’il y réussisse et s’y endorme, ou qu’il s’en berce. Mais à la fin, quand il paraît maître de son élan, et qu’il l’affirme par l’unisson des quatre instruments (mes. 169-

  1. Joseph de Marliave : « Les quatuors de Beethoven », 1925.