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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/269

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LES DERNIERS QUATUORS

rique du violoncelle, comme la menace d’un Tybalt embusqué. Il va de soi que je n’établis aucun lien direct entre la scène de Shakespeare, que Berlioz a illustrée, et celle qui se passe au fond du cœur de Beethoven. Mais chaque grand cœur amoureux revit, pour son compte, ces alternatives de paix extatique et d’angoisse.

On remarquera que la menace, qui s’abord gronde p., mystérieusement, sans ébranler l’extase, dont la sereine vresse reprend son chant uni, à une octave au-dessus, pour échapper aux bruits de la terre, — se renouvelle avec violence, par roulements de tonnerre espacés (mes. 203, 205, 211, 213), qui se répercutent en s’affaiblissant ; — et le chant d’extase en est altéré ; il tâche pourtant de se maintenir, mais c’est pp., comme étouffant craintivement sa voix qui s’interrompt ; et la douleur s’y est glissée ; il s’établit comme

    certain point ave celle de l’auteur, il faut avoir éprouvé le genre de sentiments dont cette musique est la peinture, il faut connaître ces fléaux dont parle Shakespeare : « the oppressor’s wrong… les iniquités de l’oppresseur, l’insolence de l’homme superbe, les tourments de l’amour dédaigné, les lenteurs des lois, la dureté du pouvoir et les mépris que les infâmes font subir au mérite patient… » Un être heureux ou qui, n’ayant jamais éprouvé que des chagrins légers, n’est jamais sorti de la sphère de la vie commune, est tout à fait hors de l’atteinte de pareilles compositions… »

    Ces souvenirs sont extraits d’une longue chronique, en trois articles, publiés dans le Correspondant, en 1829, sous le titre : « Notice biographique sur Beethoven. » M. Adolphe Boschot les a exhumés et reproduits dans un article de la Revue Musicale, 1er avril 1927, intitulé : « Un propagateur de Beethoven : Hector Berlioz ».

    Ajoutons que, dès cette année 1829, Berlioz avait déjà lu la Symphonie avec Chœurs, qui ne fut exécutée, pour la première fois, à Paris, que le 27 mars 1831 ; et il y voyait « le point culminant du génie de Beethoven ». — Si différent que fût son tempérament musical de celui de Beethoven, son intuition critique était aussi en avance sur son temps que son génie créateur.