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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/278

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BEETHOVEN

le chevalet) pp., — puis les quatre oiseaux redescendent da capo per l’ordinario, et puis remontent, sans s’arrêter, à perdre haleine, jusqu’à l’accord final de dominante, ff… Arrêtons-nous !…

Non, point d’arrêt ! Juste le temps de reprendre souffle ; et sur l’accord de sol dièze, sans ses deux tierces de mi et si, asexué, — l’ordre impérieux : Attacca ! … Pas plus que sur le rêve d’amour, sur la folle journée Beethoven ne permet halte. Le voici déjà en disputation avec soi, dans le plus pathétique Adagio !



Nous avons peine à suivre ces contrastes brusques de pensée. La « métamusique » a belle carrière, où déterrer de profondes raisons abstraites et compliquées… « Il contemple la vie et il paraît se demander s’il doit se mettre à jouer cette vie en air de danse ; une brève, mais obscure méditation l’enfonce dans le rêve profond de son âme : il revoit, par ce regard, l’essence intérieure du Monde : et maintenant, il va jouer, sur le violon, la Danse du Monde… » (Wagner).

Je ne pense pas que Beethoven se soit jamais préoccupé de « l’essence » ou des « essences ». Sa propre vie toute pure, riche et diverse, le remplissait. Nous imaginons mal l’extraordinaire élasticité de sa nature. Les coups de la peine, dont nous serions terrassés, sont en lui recouverts et noyés par un jet brûlant, comme un geyser, d’humour diabolique ; et inversement, son rire de paysan, à plein gosier, s’achève parfois en un sanglot, où le cri de révolte est bien proche de la résigna-