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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/292

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BEETHOVEN

de commerçant lui faisait toujours chercher de mauvaises raisons pour refuser les occasions qui s’offraient au neveu, même après qu’il avait dû se résigner à ce que Charles entrât dans la carrière commerciale. (Mais c’était encore sous la forme d’étudiant à un Institut, où l’on suivait des cours d’histoire et de sciences : Beethoven gardait l’illusion que Charles n’avait pas encore rompu avec les études libérales, qui étaient pour lui la condition et le sceau de la véritable aristocratie ; il retardait le moment de passer à la pratique…) Et surtout, il ne consentait point à ce que son fils s’éloignât de lui, à l’étranger : il eût voulu le garder, accroché aux basques de sa redingote. Il ne s’en cachait pas. Il manifestait naïvement son égoïsme — plus maternel que paternel : — « Garder mon fils auprès de moi, pour moi… »

Le pauvre homme a été bien puni ! — Mais le fils adoptif l’a été, plus que lui. Car cette tutelle étroite et étouffante a fini par l’exaspérer et lui donner le dégoût de vivre.

Les rapports commencent à s’aigrir, vers le début de mars 1826. À l’oncle Jean, (un de ses espions domestiques, qui était chargé de le questionner), Charles dit qu’il en a assez des disputes et des criailleries, des sempiternels reproches sur le passé. Tout l’entourage de Beethoven semble prendre plaisir à l’exciter contre le neveu. Beethoven ne cesse de le harceler ; il lui reproche ses amitiés et sa conduite, « qui jette, dit-il, une ombre sur sa vie propre, à lui, Beethoven ». — À quoi, Charles, outré, répond que « l’ombre est projetée déjà par ses propres jalousies » (« Den Schatten machen schon deine Neider »). Le jeune homme se sent suivi, épié, soupçonné, dans tout ce qu’il fait, dans tous ses pas. Il en souffre. Des paroles offensantes, dont Beethoven ne mesure pas la blessure, dans l’état maladif où il se trouve, provoquent une scène violente, où