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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/291

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LES DERNIERS QUATUORS

mais qu’il n’était pas en son pouvoir de l’empêcher de garder son affection à l’ami, — et que quant à sa mère, quoi qu’elle eût pu faire, ce n’était pas au fils de la juger ; il lui devait reconnaissance et respect. — En vérité, dans ces débats, le jeune garçon paraît plus mûr que le vieux Beethoven. Il a beaucoup de patience, et passe son temps à le raisonner, avec égards, il lui fait le compte de ses journées, de ses occupations. Qu’il ne lui ait pas dit là-dessus toute la vérité, est plus que probable ; mais c’était la faute de Beethoven, qui ne tolérait aucune faiblesse de jeunesse : (il aurait pu pourtant se rappeler la sienne !) N’était-ce pas insupportable de se savoir espionné par les intimes de son oncle, par ce Holz, qui se vantait de le faire boire, afin de connaître ses secrets ! Et quand il parlait d’aller aux bals masqués du carnaval, le croirait-on ! Beethoven avait la prétention de vouloir l’accompagner ! Le jeune homme se sentait « prisonnier » (il l’a dit plus tard) ; et s’il a fini par être complètement désaxé, incapable de s’intéresser à aucun métier, Beethoven n’y a-t-il pas sa part de responsabilité ? Charles était plein de talent, bon observateur et de bon jugement, il savait bien voir et écouter, il se montrait d’une aide précieuse pour son oncle, et il s’occupait de ses affaires avec zèle. Il eût très bien fait sa carrière, dans un comptoir de banque, à l’étranger, comme le banquier Eskeles l’y engageait, et mieux encore, dans un magasin d’édition et de librairie musicale, ainsi que Sehlesinger offrait de le prendre dans sa maison de Paris. Charles n’eût pas demandé mieux. Il eût voulu devenir plus tard éditeur de musique : « Il ne voyait pas, disait-il à son oncle, pourquoi ce seraient seulement les autres éditeurs qui s’enrichiraient des œuvres de Beethoven, et non pas lui. » — Mais à tous ces plans, Beethoven s opposait. Son aversion pour l’état