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BEETHOVEN

Mais l’hymne insatisfait va recommencer, encore, encore, en recherchant de nouvelles formes d’expression, de nouvelles voies par où s’épanche le trop-plein de son émotion, une et multiple, qu’à peine l’esprit réussit à définir, car elle est mêlée de sentiments opposés, de joie et de mélancolie, d’humour, de tendresse, de concentration et d’action ; et chacun veut chanter, à son tour. C’est ici un des premiers et des plus mémorables exemples de cet art nouveau, proprement Beethovenien, de la « Variation amplificatrice », comme l’intitule Vincent d’Indy, qui en fait de remarquables analyses (Cours de composition, II, p. 477 et suiv.) — bien que je le chicanerais volontiers sur ce terme d’« amplification », qui fâcheusement évoque, contre son intention, une idée de rhétorique, fort éloignée de l’essence d’un pareil art, fait tout entier de sincérité. Il s’agit, non d’un développement oratoire, mais d’une transfiguration, où reparaît le thème sous un nouvel état.

Cinq variations : — Dans la première (mes. 21-38), qui garde la tonalité du thème et le même nombre de mesures, le rythme change, l’élan se fait plus diffus et plus insistant, le cœur semble moins maître de son effusion : « le thème, d’abord esquissé par le violoncelle, se fond en une polyphonie, qui, selon la belle expression de Vincent d’Indy, semble vivre par l’âme même du personnage soustrait à notre oreille, et cependant présent encore quoique son corps ait disparu. »

La deuxième (mes. 39-59), qui ne garde plus, au deuxième violon, que les quatre notes initiales, métamorphosées par l’accent et le rythme différents, s’anime (andante con moto) et s’égaye en un flux volubile de tendres paroles un peu déréglées, comme des oiseaux qui ramagent. — La transformation est complète, dans la troisième variation (mes. 60-77) :