Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/304

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précieusement un livre empaqueté. Il tâchait de causer, et tâtait sans succès un sujet, et puis l’autre. Je leur tordais le cou à tous, d’un mot, l’air furibond. Il ne savait plus que dire, toussotait, tapotait sur le bois de mon lit. Je le priai de cesser. Alors il resta coi, et n’osait plus bouger. Moi, je riais sous cape. Je pensais :

— « Mon bonhomme, tu as des remords maintenant. Si tu m’avais prêté l’argent que je demandais, je n’aurais pas été contraint à faire le maçon. Je me suis cassé la jambe : attrape ! C’est bien fait ! Car c’est ta ladrerie qui m’a mis où je suis. »

Donc, il ne se risquait plus à m’adresser un mot ; et moi, qui me forçais aussi à tenir ma langue et qui mourais d’envie de la remuer, j’éclatai :

— Enfin, parle, lui dis-je. Te crois-tu au chevet d’un mourant ? On ne vient pas chez les gens, pour se taire, que diable ! Allons, parle, ou va-t’en ! Ne roule pas les yeux. Ne tripote pas ce livre. Qu’est-ce que tu tiens là ?

Le pauvre homme se leva :

— Je vois bien que je t’irrite, Colas. Et je m’en vas. J’avais porté ce livre… vois-tu, c’est un Plutarque, Vie des Hommes illustres, translaté en françois par l’évêque d’Auxerre, messire Jacques Amyot. Je pensais…

(Il n’était pas encore tout à fait décidé)…

…que peut-être tu trouverais…

(Dieu ! que cela lui coûtait ! )…

…plaisir, consolation veux-je dire, en sa compagnie…

Moi,