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LA NOUVELLE JOURNÉE

tisme, ses sports et son esprit pratique (car elle a hérité de sa mère son sens des affaires et son despotisme domestique). Tout cela doit former un mélange incroyable ; mais elle s’y trouve à l’aise ; ses excentricités les plus folles lui laissent l’esprit lucide, de même qu’elle garde toujours l’œil et la main sûrs dans ses randonnées vertigineuses en auto. C’est une maîtresse femme ; son mari, ses invités, ses gens, elle mène tout, tambour battant. Elle s’occupe aussi de politique ; elle est pour « Monseigneur » : non que je la croie royaliste ; mais ce lui est un prétexte de plus à se remuer. Et quoiqu’elle soit incapable de lire plus de dix pages d’un livre, elle fait des élections Académiques. — Elle a prétendu me prendre sous sa protection. Vous pensez que cela n’a pas été de mon goût. Le plus exaspérant, c’est que, du fait que je suis venu chez elle afin de vous obéir, elle est convaincue maintenant de son pouvoir sur moi… Je me venge, en lui disant de dures vérités. Elle ne fait qu’en rire ; elle n’est pas embarrassée pour répondre. « C’est une bonne femme, au fond… » Oui, pourvu qu’elle soit occupée. Elle le reconnaît elle-même : si la machine n’avait plus rien à broyer, elle serait prête à tout, à tout, pour lui fournir de l’aliment. — J’ai été deux fois